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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 19:49

 

 

institut benjamenta-film

 

 

UN FILM DE TIMOTHY ET STEPHEN QUAY

 

Titre original : Institute Benjamenta, or this dream people call human life

 

Le dvd a ses qualités. Nul doute que si j’avais découvert en salle Institut Benjamenta, un soir de haute fatigue, je me serais probablement endormi ou je serais passé à côté du film. C’est ce qui a failli m’arriver alors que le lendemain d’une trop courte nuit j’ai lancé le dvd. Au bout de 40 minutes j’avais les paupières lourdes, et je ne me sentais pas de continuer l’aventure. L’impression d’être face à un film d’auteur beaucoup trop exigeant bien qu’assurément intrigant. S’il y a bien une chose que l’on ne pourra pas dire des Frères Quay, c’est qu’ils ne savent pas réaliser. Chacun de leur plan est archi travaillé, époustouflant de beauté, dans un noir et blanc intemporel, avec une maîtrise de la lumière qui laisse sans voix. Ce sont ces restes d’images qui m’ont amené à remettre le film en marche, depuis le début, à lui donner une seconde chance, cette fois bien éveillé. Et je me suis laissé emporter.

 

Adaptation d’une œuvre de Robert Walser, ce long-métrage suit l’entrée d’un certain Jakob (Mark Rylance) à l’Institut Benjamenta, une école de formation pour majordomes. Personnel très réduit : à part le directeur (Gottfried John) et sa sœur formatrice Lisa (Alice Krige), il n’y a pas grand monde. On compte tout de même un certain nombre d’élèves. Jakob nous raconte qu’il entre à l’institut de son plein gré, bien conscient qu’il ne vaut et ne connaît pas grand chose, prêt à devenir un « zéro ». Car se former dans cette école sombre où l’on distingue difficilement le jour de la nuit, c’est accepter de se laisser progressivement formater, de s’abandonner pour arriver à un état de servitude espéré comme total. Pour cela, les cours et les exercices se répètent, aussi improbables et honteux soient-ils.

 

 

institut benjamenta-dvd

 

 

Les fameuses premières 40 minutes du film peuvent refroidir. Les Frères Quay ne sont pas de grands adeptes de la parole, leur œuvre emprunte beaucoup au cinéma muet. Là où ils se lâchent, c’est du côté des images, du son, des sensations. Quitte à paraître maniérés mais qu’importe : la force visuelle est là. Comme dit précédemment, Institut Benjamenta est un film mystérieux, qui ne cherche jamais à donner vraiment d’explication. On comparait souvent les œuvres de Walser et de Kafka et on retrouve de ça ici, une atmosphère étrange, un projet dans lequel on est invité à se perdre, à déambuler d’un couloir à l’autre, ne sachant plus bien quelle heure il est, qui est on est, si ce qu’on voit est la réalité ou un fantasme.

 

Si Jakob se dit déterminé à devenir un majordome complètement docile, il se montrera à plusieurs reprises assez rebelle. Il ne peut complètement débrancher son cerveau, il observe ceux qui l’entourent, se laisse dominer mais par son regard vient perturber le quotidien balisé des Benjamenta, habitués à des élèves bien plus classiques.

Impossible de ne pas être submergé par des interprétations, des métaphores. De ne pas se dire que cette école de majordomes est en quelque sorte une version miniature de notre société avec ses morales et ses codes imposés. Ne plus chercher à comprendre, à relever l’injustice, juste devenir un serviteur : cela peut aussi bien passer pour un abandon, une défaite, qu’une profession de foi.

 

 

institut benjamenta-film-2

 

 

Dans sa deuxième partie, le long-métrage devient plus accessible. Référence à des contes de fées plus ou moins apparentes (les élèves sont décrits comme semblables « aux nains de Blanche Neige », Lisa apparaîtra comme une Belle au bois dormant, Jakob comme le prince rebelle et Monsieur Benjamenta comme un vampire ou plutôt pour rester dans l’univers du conte, un ogre), thème de la domination/ soumission élargi au désir…Face à leur premier élève implicitement indomptable, le frère et la sœur Benjamenta perdent leurs moyens et entrainent dans leur confusion la déchéance de leur institution.

 

Jakob devient alors l’objet de toutes les convoitises, l’œuvre embrasse un côté Théorème, délaisse l’aspect cocasse et fantaisiste pour se faire plus tendue, plus subversive. Le spectateur est alors interrogé sur le monde qui l’entoure, la foi, le sens du devoir…

Institut Benjamenta s’achève ainsi comme une grande porte ouverte à bien des fantasmes. C’est une œuvre qui se mérite, qui a besoin d’attention, qui nécessitera peut-être plusieurs visions pour se laisser apprivoiser mais cela en vaut la peine. A la clé : des images inoubliables, magnifiées par une « lumière, personnage à part entière », des interprétations multiples au cœur d’un véritable projet d’auteur. A tenter.

 

Film disponible dès le 1er mars 2011 aux éditions ED DISTRIBUTION DVD

En bonus notamment un sujet qui explicite le film avec des interviews de l’équipe (environ 30 mn), un making of…Belle édition

Film sorti en salles le 23 février 2000

 

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30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 14:56

 

 

POSSESSION-DVD 

 

 

UN FILM DE JOEL BERGVALL ET SIMON SANDQUIST

 

Jess (Sarah Michelle Gellar) mène une vie de rêve sans même s’en rendre compte. Mariée depuis un an au beau Ryan (Michael Landes), elle est toujours pour lui l’objet de toutes les affections. Lettres d’amour, fête surprise, attentions délicates diverses et variées…Mais la jeune avocate n’a pas vraiment le temps de lui témoigner elle aussi son amour et tique sur la présence dans leur maison du frère de Ryan : Roman (Lee Pace). Ce dernier, fraichement revenu de prison suite à des violences faites aux femmes, est toujours dans les parages, gâche leur intimité et inquiète Jess de par sa certaine bestialité.
Alors qu’un jour il s’enfuit en voiture, Ryan fonce pour le faire changer d’avis. Les véhicules des deux frères s’entrechoquent et ils finissent tous les deux dans le coma.

Au grand dam de Jess, c’est Roman qui va revenir à la vie, alors que son gentil frérot restera inanimé. Mais quelque chose d’étrange se passe. Roman n’est plus le même et prétend que l’âme de Ryan s’est infiltrée dans son corps. D’abord sceptique, Jess nie cette possibilité fantaisiste. Mais le bad boy d’hier ne cesse de lui prouver qu’il est bien celui qu’elle a épousé. Jess pourra-t-elle retomber amoureuse du même homme dans le corps d’un autre ? Cet homme est-il vraiment celui qu’il prétend être ?

 

Le moins que l’on puisse dire c’est que Sarah Michelle Gellar a la poisse. Du moins dans l’hexagone. Il est ainsi devenu fréquent de voir ses nouveaux projets sortir directement chez nous en dvd. C’est le cas de cet intriguant Possession qui compte aussi et surtout dans son casting la présence du diablement sexy Lee Pace (tant aimé dans la série Pushing Daisies), ici dans un rôle à contre-emploi. Style dirty, tatouage, musculature imposante, le tout allié à un regard sombre et une voix de braise : difficile de ne pas avoir des frissons. Des frissons, le personnage de Jess semble aussi en avoir pour ce mauvais garçon quoiqu’elle en dise. Il l’effraie autant qu’il l’excite, plutôt malgré elle.

 

 

possession-film-pace

 

 

Dès le départ, le duo de réalisateurs mélange guimauve romantique et thriller, sentiments très purs face à la force d’un mal qui se dessine. Réalisation plutôt élégante, personnages plus ambigus qu’ils n’y paraissent : on avance en eaux troubles. Survient le fameux accident et l’histoire de possession. Ryan serait dans le corps de Roman. De quoi poser des questions surprenantes et intéressantes : tombe-t-on réellement amoureux d’une âme ? Peut-on aimer la même personne dans un autre corps ? Il faut bien avouer que Jess ne perd pas au change, voir le beau Roman devenir doux comme un agneau est même un bien joli cadeau…

 

On est comme le personnage principal : toujours dans l’hésitation, le doute, nous demandant si Roman ne joue pas un double jeu, si cette voix qui s’adoucit de la part d’un corps jadis redouté est digne de confiance. Indéniablement intrigant, le film loupe un peu son virage scénaristique final (qui n’a finalement rien de bien surprenant). Partant d’une bonne idée, Possession manque d’ambition sur la durée. Reste une atmosphère étrange, nous emportant entre romance et effroi. A tenter, surtout si vous êtes fan des acteurs.

 

Film produit en 2009

Sortie en DVD le 11 janvier (avec en bonus les coulisses du film et des scènes inédites)

 

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18 novembre 2010 4 18 /11 /novembre /2010 19:25

 

 

fassbinder-monde

 

 

UN FILM DE RAINER WERNER FASSBINDER

 

Allemagne, Institut de recherche en cybernétique et futurologie, années 1970. Le professeur Vollmer, surmené et en désaccord avec la direction concernant son projet Simulacron, trouve la mort dans d’étranges circonstances. On présume qu’il s’est suicidé. Le remplace le docteur Fred Stiller. Mais à peine endosse-t-il ses nouvelles fonctions que notre homme de science se voit confronté à des évènements et situations inexplicables. Il assiste à la disparition du chef de la sécurité Günther Lause qui quelques temps plus tard sera oublié de tous, comme s’il n’avait jamais existé. Fred Stiller perdrait-il la raison ?

Comme Vollmer avant lui, il se voit confronté au PDG de son institut qui envisage d’exploiter le projet Simulacron (un monde virtuel composé de 10 000 unités identitaires) à des fins lucratives…Petit à petit, l’incompréhension et la paranoïa montent et Fred perd pied. Est-il victime d’une conspiration ? Ou pire ne serait-il pas un humain mais une unité identitaire virtuelle ? Comment déceler le vrai du faux, la réalité de sa mise en scène ? Tout ne tiendrait qu’à un fil…

 

Adaptation du roman Simulacron 3 de Daniel F. Galouye, Le Monde sur le fil était à l’origine un téléfilm en deux parties. Grâce aux éditions Carlotta, cette production méconnue de Fassbinder refait surface en DVD et ce, totalement restaurée. Si on pouvait avoir quelques réserves étant donné la durée conséquente de l’œuvre (3h24 tout de même), force est de constater qu’à peine devant son écran, on ne peut plus décrocher. Car il faut avouer qu’à l’heure où les troubles identitaires (Shutter Island) , les mondes virtuels (L’autre monde ; Chatroom) ou les réalités alternatives (Inception) sont plus que jamais présents dans le cinéma, cette fiction se révèle tout à fait d’actualité et particulièrement visionnaire.

 

 

fassbinder-monde sur le fil

 

 

Le cinéaste est parvenu à créer un univers fascinant, très étrange, qui place le spectateur lui-même dans un état d’abandon, de perte. Il y a un côté très 70’s , kitsch, mais aussi futuriste. Sans parler de l’ambiance théâtrale rétro avec des passages évoquant le cinéma allemand des années 30. Perdus dans le temps, dans un univers aussi magnifique qu’improbable, on avance avec Fred Stiller, sur un fil peut-être et indéniablement sans filets. Une véritable expérience de cinéma que les années ont rendu encore plus mystérieuse, déroutante.

 

Opposition entre la science comme foi et la science au service des industriels, entre le pouvoir d’améliorer le quotidien des humains ou de les soumettre en anticipant les lois du marché, interrogations philosophiques, amour et fantasmes…Le film est très dense, tour à tour inquiétant, oppressant, puis enivrant, sensuel. Peuplé d’intrigantes femmes fragiles ou fatales (voire les deux), Le monde sur le fil , extrêmement maîtrisé dans sa mise en scène, nous laisse pourtant le champ libre pour réfléchir à notre propre vie, notre monde et ses artifices. Le plaisir de se perdre devant pareille œuvre n’a pas de prix.

 

Film produit en 1973

Disponible en DVD aux éditions Carlotta Films

Vu via Cinetrafic

 

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Côté suppléments on trouve un documentaire d’une cinquantaine de minutes sur l’écriture, l’élaboration du film mais aussi sa restauration. Tout ce qu’il faut pour en savoir plus sur ce projet ambitieux.

Egalement présent dans le DVD, un joli livret avec analyse du film et du roman et interviews.

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27 octobre 2010 3 27 /10 /octobre /2010 18:49

 

 

winter-wartime

 

 

UN FILM DE MARTIN KOOLHOVEN

 

Pays-Bas, période de la seconde guerre mondiale. Le jeune Michiel perd l’un de ses amis qui s’était rebellé contre les nazis. Il finit par découvrir que son ami était en contact avec un soldat britannique, caché quelque part près de la forêt. Alors qu’il n’est qu’un petit garçon, Michiel va faire tout son possible pour l’aider à survivre et si possible s’échapper. Mais cette résistance n’est pas bien perçue aussi bien par son père, maire du coin qui subit de nombreuses pressions des allemands, que par son oncle adoré…Qu’importe, il sera solidaire au risque de se destiner à de terribles évènements…

 

Jamais sorti en salles, Winter in Wartime arrive directement en DVD chez nous. Si l’intrigue , plutôt bien ficelée, ne témoigne d’aucune originalité, le plus de cette œuvre classique tient indéniablement dans ses décors. Quand on évoque la seconde guerre mondiale, on a des tas d’images qui nous viennent en tête mais certainement pas celle des Pays-Bas. Martin Koolhoven joue beaucoup sur la puissance de ses décors. Alors que le grand air donne une illusion de liberté, le pire est pourtant en train de se passer dans les parages.

 

 

winter in wartime

 

 

Ce long-métrage est aussi et surtout le portrait de la fin de l’insouciance pour un jeune garçon. Le petit Michiel en entrant ,sans même vraiment s’en rendre compte, dans la Résistance, prenant des risques d’homme, va devenir responsable, va découvrir la part obscure de l’humanité et ses injustices. Cet enfant sage, à la beauté lisse, qu’on devine assez couvé, va aussi pouvoir découvrir la vie, l’amitié (avec le soldat britannique) et une certaine idée de l’amour (sa sœur craquera pour le soldat). Tout cela se fait entre candeur et terreur, alors que les atrocités de guerre sont exposées de façon plutôt subtile.

 

Si Winter in Wartime n’apportera rien de bien nouveau au genre du film de guerre ou d’œuvres sur la Seconde guerre mondiale, il n’en est pas moins très efficace, maîtrisé et attachant. A savourer sous la couette, au chaud, un bon dimanche ou pendant les vacances de Noël.

 

Film disponible en DVD depuis le 5 octobre 2010 aux éditions BAC FILMSVidéo

Vu via Cinétrafic qui a fait une liste sur Résistance et collaboration sous la seconde guerre mondiale.

 

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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 18:24

 

 

soulkitchendvd

 

 

UN FILM DE FATIH AKIN

 

Zinos est un loser. Son restaurant « Soul Kitchen » à Hambourg peine à connaître le succès et sa petite amie Nadine part à Shanghai pour son travail. Livré à lui-même, le garçon tente de se remettre en scelle. Malgré de gros problèmes au dos, il essaie de changer l’image de son resto. Nouveau cuistot, musique cool, publicité…Alors que les affaires s’apprêtent à reprendre, le frère de Zinos débarque. Il s’appelle Illias et il vient de sortir de prison. Las de la distance avec sa bien aimée, Zinos décide de partir à son tour à Shanghai et de confier son commerce à Illias. Grossière erreur…

 

Est-ce le passage à la comédie ? Toujours est-il que mystérieusement avec Soul Kitchen, Fatih Akin oublie de doter ses personnages d'une véritable psychologie. Ces derniers sont alors tous des caricatures et évoluent au coeur d' intrigues extrêmement balisées, jamais originales. Le loser à qui il arrive toujours une tuile, le frère balourd ex-taulard qui ne peut s’empêcher de sombrer à nouveau, le cuistot perfectionniste et hystérique quand il est dans le rush, l’entrepreneur forcément véreux, la femme du fisc frustrée qui aurait bien besoin d’une baise pour décompresser…Les clichés s’accumulent et l’humour prévisible et potache fatigue plus qu’il n’amuse.

 

 

soul-kitchen-2010-

 

 

Bourré de bonnes intentions, assez attachant malgré tout, Soul Kitchen a le mérite d’assurer le divertissement. Nul doute qu'il attirera la sympathie malgré ses faiblesses. Mais il ne surprend jamais et si l’ensemble est assez élégant, le projet ressemble surtout à une grosse parenthèse dans la filmographie d’un réalisateur qu’on a connu plus inspiré… 

 

Film sorti en mars 2010

Disponible en DVD simple ou dans le Coffret Fatih Akin

Vu via Cine trafic (fiche du film ici)

 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 19:35

 

 

solino film fatih-akin

 

 

UN FILM DE FATIH AKIN

 

Années 60, à Solino, village ensoleillé des Pouilles , le grand-père de la famille Amano décède. Romano pousse alors sa femme Rosa à déménager dans la Ruhr. Il y aurait du travail là-bas. La petite famille part tenter sa chance (Romano et Rosa ont deux petits garçons, Giancarlo et Gigi). Alors que Rosa a le mal du pays, Romano s’apprête à baisser les bras : il travaille dans une mine, il est fatigué, réalise que la Ruhr est loin d’être l’Eldorado qu’il imaginait. C’est alors que Rosa a une idée : il y a en face de leur appartement miteux une boutique à louer. Elle propose de transformer l’endroit en restaurant italien. Ce serait le premier, le seul du coin. D’abord un poil réticent, Romano va complètement se dévouer à l’élaboration de ce restaurant familial. Rosa sera à la cuisine, lui en salles. Petit à petit, la clientèle abonde. Il y a notamment une équipe de cinéma qui en fait sa cantine de tournage. C’est l’occasion pour le jeune Gigi de découvrir le septième art et de se rêver plus tard en cinéaste. Pendant ce temps, l’autre frère, l’ainé, Giancarlo, aide le père au bar et tente en vain de séduire une jeune allemande…

Le temps passe et Giancarlo et Gigi deviennent de jeunes adultes. Ils quittent le logement familial pour une collocation à trois avec la fameuse allemande devenue une ravissante demoiselle. Gigi vient d’achever son premier film et espère être sélectionné dans un festival. Il séduit au passage la fille que courtisait depuis si longtemps Giancarlo. Ce dernier semble lassé d’être depuis le plus jeune âge, « l’autre frère », celui qui n’a rien de particulier et qui reste constamment dans l'ombre. Une rivalité s’installe doucement…Pendant ce temps, même si le restaurant fonctionne, Romano ne cesse de se tuer à la tâche et refuse à sa femme une aide en cuisine. Cette dernière apparaît plus malheureuse que jamais, loin de Solino (nom du village qui a été donné au restaurant) , de ses racines…

 

Grande fresque familiale et romantique, Solino est l’occasion pour Fatih Akin de quitter son registre habituellement « intimiste ». On devine un budget plus conséquent, permettant de nous balader à travers les années, de l’Italie à l’Allemagne. Très belle image, mise en scène classique mais efficace et surtout de magnifiques personnages. Des parents aux enfants, chaque protagoniste est parfaitement posé et aucun second rôle n’est artificiel. Les thèmes abordés sont multiples et passionnants. Tout d’abord le déménagement d’un pays à l’autre. L’envie de s’en sortir, de devenir quelqu’un pour le père. Et l’incapacité de s’adapter pour la mère. Elle peinera à maitriser la langue allemande, ne se fera pas d’amis et restera seule à s’esquinter la santé en cuisine. Tout cela alors que ses deux petits garçons se fondront parfaitement dans le décor, au point de presque en oublier leur langue italienne.

 

 

solino-fatih akin

 

 

 

Mais il est avant tout question ici de devoir et de sacrifices. La mère renonce à sa terre natale qu’elle adorait et elle fera tout son possible pour participer au projet du restaurant. C’était son idée au départ et elle va le regretter. Car Romano se l’appropriera complètement au point de ne plus vivre que pour son restaurant, guidé par l'obsession d’augmenter son chiffre et d’être bien vu par ses clients. Il délaissera alors progressivement toute sa famille, la sacrifiera pour tenter de contenter sa soif de « devenir quelqu’un », d’être respecté. La question du sacrifice se posera aussi du côté des enfants. Gigi rêvant d’être réalisateur mais devant continuer de travailler comme serveur (en étant sous payé) pour son père. Et alors que la mère tombera malade, elle aura besoin d’une présence…de quoi perturber la prise d’indépendance de Gigi et Giancarlo.

 

La famille est ici montrée sous toutes ses coutures. Et qui dit famille dit aussi souvent oppositions. Las de ne pas être le préféré, Giancarlo se jettera et se complaira dans le rôle du « mauvais frère », refusant de continuer à travailler au restaurant, volant fréquemment des choses de plus ou moins grandes valeurs, accusant à tors son frère ou tentant de saccager sa vie intime comme professionnelle. Jusqu’à quel point peut-on se dévouer à sa famille ? Est-il indispensable à un moment donné de penser un peu à soi ? Où se trouve la priorité , l’essentiel ?

 

 

solino10 akin

 

 

A ces questions s’ajoutent celles du cœur et des racines. Gigi, notamment, étant confronté à des retrouvailles avec un amour amorcé pendant la petite enfance…Solino est à la fois un film très dense et très personnel, sensible. Et pour une fois la facture classique d’une œuvre la sert complètement. Tout ici étant diablement universel. On est en droits d’être très souvent émus…

 

Film produit en 2002

Disponible dans le Coffret Fatih Akin aux Editions Pyramide Vidéo

Vu via Cinétrafic (fiche du film ici)

 

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26 septembre 2010 7 26 /09 /septembre /2010 15:08

 

 

julie en juillet-akin

 

 

UN FILM DE FATIH AKIN

 

Daniel Bannier (Moritz Bleibtreu) est un prof qui peine à imposer son autorité face à ses élèves. C’est un jeune homme un peu timide, maladroit, dont la vie bien rangée dissimule un certain vide affectif et une indéniable routine. Ce qu’il ne sait pas, c’est que depuis quelques temps, une jeune inconnue l’a remarqué et a eu une sorte de coup de foudre pour lui. Elle s’appelle Julie (Christiane Paul) et elle ose enfin l’aborder alors qu’il s’apprête à entamer la savoureuse période des grandes vacances. Julie lui vend une bague et lui prédit que grâce à elle il trouvera la femme de sa vie. Une femme avec un soleil. Basse manipulation (ou jolie forme de déclaration) de la demoiselle qui a un soleil en guise de tatouage. Pas de chance : Daniel croise rapidement le chemin de Melek (Idil Uner) une autre fille qui a elle aussi un soleil…Persuadé qu’il s’agit là d’une révélation, le professeur fait tout son possible pour se rapprocher d’elle. Mais Melek doit partir à Istanbul et le quitte en lui faisant la bise. Daniel décide après réflexion d’aller la retrouver. Et sur la route il prend en stop…Julie. Cette dernière l’avait aperçu avec Melek et , malheureuse, avait décidé de quitter le pays. Ils vont ensemble entreprendre un long voyage vers Istanbul. Les péripéties ne manqueront pas et Julie continuera d'espérer qu’en cours de route Daniel finira par comprendre qu’elle est « la fille au soleil »…

 

Julie en Juillet s’ouvre avec le personnage de Daniel perdu sur une route déserte. Il rencontre un homme étrange qui a dans son coffre un cadavre. Alors que les deux hommes commencent à discuter, Daniel raconte ce qui l’a amené à se retrouver à des centaines de kilomètres de chez lui. Melek, Julie…Fatih Akin livre ici une belle histoire autour de l’amour et du hasard, des incidents et des petites coïncidences qui nous amènent à tomber amoureux, à établir une intimité. Le tout à travers un voyage dépaysant à travers l’Europe (avec une place très importante laissée à la musique, au folklore...).

 

 

moritz bleibtreu

 

 

Si le scénario n’a clairement rien d’original, si Fatih Akin semble encore se chercher côté réalisation (il emploie une multitude d’effets kitschs, il y a notamment une scène embarrassante où après avoir fumé un joint au clair de lune, Daniel et Julie se retrouve à flotter dans les airs…), Julie en Juillet se révèle pourtant à la longue touchant de naïveté. L’énorme charme de Mortitz Bleibtreu en jeune mec à côté de ses pompes et découvrant pour la première fois ce qu’est l’aventure est un plus indéniable. La candeur et la sensibilité de personnages qu’on croirait presque être issus d’un dessin animé font mouche et l’ensemble se croque comme une pomme d’amour. A défaut d’être inoubliable, un film très attachant et une véritable invitation au voyage.

 

Film produit en 2000

Disponible dans le Coffret Fatih Akin aux Editions Pyramide Vidéo

Vu via Cinetrafic (fiche du film ici)

 

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22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 09:18

 

 

engrenage fatih akin

 

 

UN FILM DE FATIH AKIN

 

Gabriel revient à Hambourg après un bon moment passé en prison. Joie de retrouver sa famille mais aussi et surtout ses amis, le serbe Bobby et le grec Costa. Des amis pas vraiment recommandables, qui sont encore et toujours fourrés dans des mauvais coups. En effet, Costa continue de passer son temps à voler, et Bobby se croit dans Scarface et s’apprête à réaliser son « rêve » : travailler avec la mafia albanaise. Avec ces fréquentations, Gabriel aurait vite fait de rechuter. Mais il tient bon, travaille comme chauffeur de taxi et espère économiser assez d’argent pour partir au soleil, à jamais. Passé le plaisir de retrouver les siens, notre homme en quête de rédemption va devoir affronter des évènements imprévus : son ami Costa se fait larguer par sa petite amie (qui n’est autre que la sœur de Gabriel), la compagne de Bobby ne le laisse pas indifférent…Doucement mais sûrement les tentations et les mauvais coups se profilent. Et avec eux, une certaine descente aux enfers…

 

A Hambourg la nuit, tout semble possible. On y croise des musiciens de rue comme des mafieux sanguinaires, on tombe amoureux dans une voiture où on frappe un inconnu pour évacuer sa colère…Avec L’engrenage, Fatih Akin livre aussi bien le portrait de trois jeunes voyous (à différents degrés : le repenti, le petit voleur et le mafieux en devenir) que l’histoire d’une amitié au masculin d’une touchante naïveté. En s’éloignant de ses potes de toujours, Gabriel a eu le temps de réfléchir, de se remettre en question, de songer à devenir adulte et se prendre en main. Mais alors qu’il revient dans sa ville natale, il retrouve ses anciens camarades, plus foufous que jamais.

 

 

engrenage fatih akin photo

 

 

Costa et Bobby peuvent témoigner d’une certaine violence, peuvent se livrer à des actes d’une certaine gravité mais ils ne sont au fond que des ados attardés, rêvant d’une vie faite d’insouciance, d’aventure, de jolies filles et de gros flingues qui impressionnent. L’adolescence n’est pourtant sensée durer qu’un temps. Gabriel l’a compris et c’est ce qui l’éloigne de ses frères de cœur. Il a alors tout pour se sentir comme un étranger parmi les siens et va redoubler de courage pour ne pas sombrer à nouveau. Mais les « amis pour la vie », c’est aussi « à la vie, à la mort » et quand Bobby s’aventure en terrain glissant avec la mafia albanaise, il ne mettra pas que lui-même en danger…

 

Hambourg, cosmopolite et vénéneuse, sera la ville théâtre de bien des tragédies. Si le scénario de L’engrenage n’apporte rien de bien neuf au cinéma, il a le mérite de poser des personnages extrêmement attachants, dans lesquels on se retrouve et avec lesquels on va vibrer pendant tout le métrage. C’est un film qui parle aussi bien de rédemption, de la frontière parfois infime entre le bien et le mal que de la fin de la jeunesse, de l’insouciance. Une œuvre souvent émouvante, sombre aussi et indéniablement personnelle.

 

Film sorti en 1998

Disponible en DVD dans le Coffret Fatih Akin aux Editions Pyramide Vidéo depuis le 8 septembre 2010

Vu via Cinetrafic (fiche du film ici)

 

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17 juin 2010 4 17 /06 /juin /2010 10:37

 

dvd-ultimatum

 

 

UN FILM DE ALAIN TASMA

 

Une fois n’est pas coutume, je reprends le synopsis officiel du film :

« 31 décembre 1990. L'ultimatum lancé par l'Onu à l'Irak expire dans quinze jours : si Saddam Hussein n'évacue pas le Koweït, les Alliés disposeront d'un mandat pour utiliser la force. Dans les salles de rédaction occidentales, on parle d'une troisième guerre mondiale.
A Jérusalem, l'angoisse est immense : Saddam Hussein menace d'utiliser contre Israël des Scuds chargés d'armes chimiques et bactériologiques. 
Luisa, 23 ans, franco-italienne, est étudiante en histoire antique à la faculté de Jérusalem. Nathanaël, jeune peintre français, subvient à ses besoins en travaillant comme vigile à Jérusalem-Est. Leur relation, violente et complexe, est sur le mode "ni avec toi, ni sans toi". Comme eux, leurs amis, voisins, connaissances, attendent la fin de l'ultimatum avec une tension croissante. Comment vit-on lorsque la vie est suspendue à un fil ? Que fait-on de
ses jours, de ses nuits, quand l'apocalypse est envisageable ? »

 

J’étais assez curieux de découvrir Ultimatum. Gaspard Ulliel est un acteur que j’ai beaucoup aimé dans certains films (Les Egarés ; Le dernier jour ; La troisième partie du monde aussi) et nettement moins apprécié dans d’autres (Jacquou le croquant ou Young Hannibal). Le retrouver dans un film mêlant amour, politique et social me semblait être une bonne nouvelle. Pourtant, mauvaise pioche. L’acteur se retrouve avec un rôle particulièrement ingrat. Les deux personnages principaux, ceux de Nathanaël et Luisa sont franchement mal posés. Ils passent leur temps à se prendre la tête, et Nathanaël apparaît comme un beau garçon totalement antipathique (Gaspard Ulliel donne l’impression de faire la gueule pendant tout le film) . Et pour enfoncer le clou, le reste du casting est globalement assez mal dirigé (les acteurs qui jouent les parents de Luisa semblent en roue libre, déployant un surjeu bien trop hystérique).

Quand je le lis le synopsis, je retrouve assez peu de choses du film (projet beau sur le papier peut-être mais dans les faits ca manque cruellement d’inspiration…).

 

 

ultimatum-gaspard-ulliel-L-1 

 

 

On était en droit d’attendre une belle love story, finalement les passages de couple lassent. Et pour ce qui est du fond politique, social, la réflexion ne vole pas bien haut. On apprend rien de nouveau. Ratage complet ? Non, n’exagérons pas. Ultimatum propose au moins une atmosphère singulière.  L’impression d’assister au début du chaos, de voir tout s’effondrer. Les gens avec les masques à gaz, la panique dans la rue, les souffrances que chacun intériorise et puis ceux qui refusent d’accepter la réalité. En amour comme sur sa terre, on est parfois contraints de se dire que c’est fini et que plus rien ne sera comme avant. Il y a donc quelques beaux passages (notamment ceux qui relatent de la relation d’une mère et de sa fille qui accouche dans la période la moins favorable de cet « Ultimatum »). Mais ces fragments de grâce ne suffisent pas à nous accrocher. Un film trop souvent brouillon sur un sujet pareil, c’est quand même assez triste non ?

 

Film disponible en DVD aux éditions Studio 37

DVD recu via Cinetrafic

 

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SUPPLEMENTS DVD

 

-Un making of de 21 minutes entre incursion dans le tournage et interviews de l’équipe.

-Des scènes coupées commentées par le réalisateur, le film-annonce et la galerie photos.

 

 

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 13:47

 

 

Dark-World-dvd

 

UN FILM DE GERALD MCMORROW

 

De nos jours, à Londres, Emilia (Eva Green) compose avec son mal de vivre. Etudiante en art, elle se met en scène dans des vidéos morbides. Abandonnée par son père dès le plus jeune âge, en conflit permanent avec sa mère issue d’une famille huppée, Emilia se rebelle contre la société et les siens et multiplie les tentatives de suicide sans grand succès.

Dans un futur proche, Jonathan Preest (Ryan Philippe masqué) se rebelle lui aussi contre la société dans laquelle il évolue. Tout le monde est asservi par la religion et cette dernière engendre les pires dérives. Jonathan est à la recherche de « The individual », un homme mystérieux qui serait responsable de la mort d’une jeune fille. Très vite, le jeune homme se retrouve pourchassé par des fanatiques qui ne tolèrent pas sa rebellion…

Retour à Londres où deux autres personnages évoluent et souffrent de l’absence d’un être cher. Milo (Sam Riley) a du mal à se remettre de sa rupture et croise par hasard dans la rue son amie d’enfance dont il se croit amoureux.

Enfin, Peter Esser (Bernard Hill) recherche désespérément son fils qui a disparu…

Les destins de ces personnages se révèleront liés pour un voyage dans le temps, entre rêves et réalités, fantasmes et folie…

 

Dark World (qui en VO s’appelle FRANKLYN) est un énigmatique film « direct to dvd ». Le casting alléchant ne peut qu’attirer la curiosité et le scénario volontairement destructuré, complexe, nous égare facilement entre réalisme et fantastique. Gerald McMorrow crée un autre monde, sombre, effrayant mais aussi amusant dans lequel déambule de façon fantomatique Jonathan Preest. Tout semble curieusement réel, un peu vieillot alors que nous sommes sensés être dans un futur proche. En opposition, le monde présent, réel, est particulièrement lêché, ultra moderne, presque surréaliste. On perd volontiers nos repères pour une aventure assez originale, s’appuyant sur des personnages blessés par la vie, manquant de foi, victime d’absences d’êtres aimés.

 

 

sam-riley

 

Le réalisateur traite du mal de vivre, de la solitude, du rejet d’une réalité trop dure à accepter tout en jouant avec un scénario alambiqué et une mise en scène travaillée, joliment abstraite. On ne peut nier que nous sommes devant un projet ambitieux, qui aurait mérité une sortie en salles pour son regard singulier. Il n’empêche qu’il manque quelque chose, un je ne sais quoi qui fasse décoller l’affaire. Un problème de rythme se fait rapidement sentir, l’interprétation n’est pas toujours au top. Un vrai casting de gueules est pourtant convoqué, Eva Green et Sam Riley les premiers. Leur étrangeté séduit et gêne à la fois, tout cela s’expliquant par un jeu parfois trop appuyé.

 

Le scénario malin parvient à garder notre attention, révélant peu à peu les failles des protagonistes, leurs illusions et la véritable source de leur mal-être. S’il n’est pas aisé de rentrer dans l’histoire, de s’attacher aux personnages, l’étrangeté du projet mérite le coup d’œil. On en sort pas tout à fait indemne.

 

 Film disponible en dvd aux éditions TF1 VIDEO

 

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SUPPLEMENTS DVD

 

Plusieurs scènes coupées ainsi que plusieurs interviews (le réalisateur et les acteurs) qui si elles n’apportent pas de clé d’interprétation confirment l’envie de créer un projet original.

 

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